Une conversation avec Oumaïma Hariri, Fondatrice d’ UMAYMA.

Pour inaugurer ce nouveau format, Oumaïma Hariri a été parmi les premières avec qui je voulais échanger et avoir une conversation. Fondatrice de la marque de vêtements UMAYMA, son courage et sa détermination sont une source d'inspiration.

Le sujet que j’aimerais aborder avec toi aujourd’hui, c’est « L’avant » UMAYMA brand. Quand j’étais dans le processus de création de PRESSING JOURNAL avant de le dévoiler, j’ai dû faire face à beaucoup de choses et je me suis rendu compte que parfois le plus dur n’est pas vraiment d’avoir les moyens et le cadre nécessaires pour pouvoir se lancer, mais c’est vraiment d’affronter toutes ces barrières qui sont la comparaison, la peur, le manque de confiance en soi et de légitimité.

Et ma première question est : Qui est Oumaïma avant UMAYMA?

“ OumaÏma est une fille qui, depuis toute petite, traîne dans les pattes de son père, dans un atelier de couture dont il est propriétaire (Maison Harryr). J’ai toujours eu cette fibre de vouloir créer des vêtements, ça m’est venu très naturellement. Dans ma fratrie, je suis la seule à être autant passionnée par la mode. En plus de la semaine, mon père allait souvent à son atelier le dimanche et je le suppliais de l’accompagner. Je me souviens, plus jeune, lui voler du tissu et d’utiliser un mannequin qu’il avait pour épingler des morceaux dessus. J’ai eu un attachement vis-à-vis de cet univers, mais je ne savais pas quelle tournure ça allait prendre. C’est un milieu difficile, donc il m’arrivait d’avoir des incertitudes. Je ne savais pas où et comment jeter ma première pierre. Je ne savais pas encore ce que j’allais raconter et proposer. Je vois la mode comme un arbre géant avec plein de branches qui a plein de choses à offrir. Avant d’arriver à l’étape de créer ma marque, j’ai d’abord eu besoin de voir, d’apprendre et de découvrir ce que l’arbre avait à offrir et réellement comprendre le milieu de la mode. J’ai donc d’abord fait des petites missions en tant que styliste, notamment au Maroc, pour des magazines et par la suite des artistes. Dans cette quête, j’ai eu la chance d’avoir un entourage solide. Mes parents m’avaient mise dans un confort qui me permettait de pouvoir un peu papillonner, ce qui m’a permis de façonner ma vision et de savoir vers où j’allais et ce que je voulais proposer avec ma marque.”


Je pense à la petite Oumaïma, la petite fille de 10 ans et à la moi du futur —— Abandonner n’est pas une option pour moi.”

- Oumaïma Hariri


Comment as-tu fait pour que ta passion et ton besoin de créer ta marque soient plus forts que tes craintes?

“ Le chemin n’a pas été facile. Après mon bac L, sous les conseils d’un professionnel du milieu, j’ai intégré une école qui m'assurait d’être mise en avant et de facilement m’insérer dans le milieu de la mode après le diplôme. Jeune et sans réelle expérience, j’entame le cursus et je regrette aussitôt. La formation ne me correspondait pas, je n’avais pas pu exploiter ma créativité. Je stoppe mes études supérieures avec l’appui de mes profs ; ils voient que je ne suis pas épanouie et que ça ne me correspond pas et, à l’époque, je le vis comme un réel échec. J’ai tout remis en question. J’étais totalement perdue. Je deviens salariée dans l’atelier de mon père pendant plusieurs années et tous les jours je suis frustrée de ne pas évoluer, d’être au même stade sur mes projets et le COVID arrive… Tout s'arrête et j’accumule encore quelques mésaventures qui m’éteignent. Passer le cap après tout ça me paraissait impossible. J’avais peur et, en même temps, une révolte monte en moi car je ne voulais pas passer à côté de mon rêve. Je fais des rencontres à ce moment-là qui m’apportent le boost et la confiance en moi dont j’avais besoin. Une personne en particulier a tout de suite vu en moi un potentiel, mon œil. Ma famille est toujours derrière moi et croit en moi. J’ai à ce moment toute l’énergie, le soutien et le déclic qu’il me fallait et de là commence la construction de ma vision et de ma marque physique. Avec le recul que j’ai aujourd'hui, je ne considère plus ces expériences comme des échecs, mais plutôt comme des outils et des leçons qui me servent aujourd'hui. Si je n’étais pas passée par tout ça, je n’aurais pas eu les armes pour faire ce que je fais aujourd'hui. Je devais raconter une histoire, prendre en maturité, être prête. À cette époque, je ne l’étais pas mais ça, on le comprend plus tard, quand on arrive enfin à toucher du doigt son rêve.”

 

L’idée de lancer PJ ne m’est pas venue tout de suite. Entre ce rêve que j’avais de faire ça et aujourd’hui, avec le lancement, il y a eu plus de 15 ans et durant ces années, je n’ai pas rien fait, au contraire, j’ai tout fait sauf ça! Je l’avais même oublié pour plein de raisons. As-tu tout de suite su ce que tu voulais faire ou c’est une idée qui a mûri avec le temps?

“ À part le stylisme et la création de vêtements, j’aimais beaucoup la photographie. Je me souviens qu’après mon brevet, j’avais demandé à ma mère un reflex et plus jeune, je lui piquais son appareil photo jetable et je faisais des photos avec mes cousines. Je pense qu’on a voulu me mettre dans une case et je pensais aussi que c’est ce qui fallait, mais au fond de moi, je savais que j’avais plusieurs flèches à mon arc et que je portais une vision plus large. L’idée mûrit et prend forme avec le temps et c’est important, ça crée une base solide et quelque chose de singulier. ”

Quelle est ta vision avec UMAYMA? Qu’est-ce qu’elle t’apporte?

“ Ma vision d’UMAYMA a beaucoup évolué et s’est faite sur le long terme. Je m’inspire de ce qui m’entoure, de mon héritage culturel, la musique, des films (”Matrix” est mon film préféré). J’aime les choses assez minimalistes, les ambiances un peu froides, mystérieuses, futuristes, une attitude nonchalante et je crois que ça découle du fait que j’ai toujours aimé les pièces masculines. J’aime ce que ça dégage. Mon père et mes frères en ont eu les frais, je piquais leurs vêtements, je suis très à l’aise dedans. UMAYMA, c’est mon alter ego. C’est aussi mon héritage ancestral, le savoir-faire avec les mains, le tissu et la coupe. Je propose au maximum un vestiaire d’unification, genderless. “Ouma” d’Oumaïma signifie “nation”. Ce que ça m’apporte ? Si je dois donner une réponse honnête, de façon instantanée je dirais que je suis comme anesthésiée… Je crois que le processus m’a beaucoup pris et je ne réalise pas encore certaines choses, mais il m’arrive souvent d’avoir des pics de réalité quand je vois des gens porter mes vêtements, quand j’ai des retours incroyables sur la coupe et la qualité, quand je vois “mes essentiels” ( l’ensemble « le jogging de ville » ou l’ « UMAYMA Printed Satin Set » ) devenir l’essentiel de d’autres personnes.”

 

Comment surmontes-tu les périodes de doute, de découragement dues à diverses difficultés qu’on rencontre lorsque qu’on lance une marque?

“ Je pense à la petite Oumaima, la petite fille de 10 ans et à la moi du futur. Je visualise aussi mon père, il vit de sa passion. Il a comme savoir-faire la couture et il devient son propre chef en créant son atelier. Il est responsable de 3 enfants et a fait en sorte qu’on ne manque de rien. C’est un homme que j’ai en exemple depuis petite, c’est ma plus grande inspiration, je suis fière de partager cette passion avec lui. Pourquoi lui et pas moi ? Je n’ai pas le choix que de continuer, j’ai ça dans le sang. J’essaie de mettre mes émotions en “off” pour continuer et me protéger parfois. Abandonner n’est pas une option pour moi.”

La semaine dernière, tu as fait un déplacement à Londres et sur une de tes stories, tu as teasé une pièce de la prochaine collection qui était accompagnée d’une phrase dont je ne me souviens plus exactement, mais tu faisais comprendre que tu évolues et que tout naturellement tu vas proposer des choses un peu plus différentes de ce qu’on avait l’habitude de voir. Qu’est-ce qui a changé en toi ? Que veux-tu transmettre de nouveau par la suite que tu n’as pas fait auparavant ?

“ Ma vision continue d’évoluer autant que moi j’évolue. C’est important de trouver sens et identité à mes idées. Je suis toujours en quête de trouver le parfait équilibre entre mon histoire, mes inspirations, ma clientèle et le monde dans lequel je vis. J’ai récemment pris du recul sur ce que je proposais avec UMAYMA, j’adore ce que j’ai fait mais il devient important pour moi de partager l’héritage que j’ai. J’ai une facette de moi qui est très urbaine et qui le sera toujours, mais je ne suis pas que ça. J’évolue personnellement et c’est important que ma vision aussi évolue. Je veux dorénavant mettre plus en lumière ce qui m’a été transmis par mon père : l’art du savoir-faire, les codes de la haute couture et le souci du détail. Je le porte même dans mon nom de famille : Hariri qui signifie “la soie” et tout ça j’aimerais le représenter dans les collections à venir. Il y aura beaucoup plus de narration, c’est finalement une suite logique qui viendra compléter et agrandir la garde-robe de ma marque.”

— Photos exclusives de la nouvelle collection !

 

C’est la dernière question!

“ Oh noon ! ahah”

D’après ton expérience et surtout en tant que femme, comment fais-tu pour à la fois montrer qui tu es, jouer le jeu que demande parfois ce milieu et te protéger ?

“ Les réseaux sociaux sont une réelle aide pour se promouvoir mais il faut vraiment avoir des limites. Personnellement, je ne partage plus rien de ma vie privée ou très peu. Mes posts et stories sont vraiment là pour alimenter mon univers, partager le processus de création, mes idées, ma vibe. Pour moi, c’est un outil de travail. Il faut savoir se montrer sans trop en dévoiler, avoir le contrôle de son image est très important. Je suis quelqu'un d’assez sensible et en partageant trop de choses, notamment mon entourage, mes problèmes etc., c’est aussi donner de quoi me faire du mal et je veux éviter cela.”

Merci, Oumaïma.

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1:00 a.m

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